Préhistoire de la Pétanque.

Le jeu de boules, tout comme le jeu d’osselets semble remonter à l’aube de l’humanité. Dans un premier temps est né le geste du lancer, lié, de toute évidence, à la nécessité de chasser. De l’entraînement à cette activité pour la moins vitale nos ancêtres firent rapidement un jeu, lequel évolua sous des formes diverses au long des millénaires. L’on peut raisonnablement penser que l’homme de la préhistoire jeta donc des pierres. Mais les premières découvertes d’objets plus ou moins sphériques assimilables à des boules ont été faites à Catal Huyuc, ville anatolienne d’Asie Mineure. Ces sphères de pierre, dont l’usage spécifique nous reste malheureusement inconnu, datent de 5000 à 6000 avant J-C.

 

Égypte

Les égyptiens nous ont laissés de nombreux témoignages de leur passion ludique ; tout principalement à travers la richesse de leurs cultures. Les billes et les quilles font partie de ce patrimoine.

 

 L’Égyptologue Flinders Petrie a mis à jour  à Nagada, à proximité d’un sarcophage d’enfant, une série de petites boules en porphyre et d’objets élancés en marbre et en albâtre dont la datation au carbone fixe les origines vers 3500 avant J-C. Il s’agit de toute évidence de la première manifestation connue du jeu de quille auquel cet adolescent devait s’adonner avec un réel plaisir. Sur d’autres sites archéologiques et tout particulièrement à Zaouïet El Meitin, on a découvert des billes en pierre pratiquement identiques à celles qui étaient utilisées jusque vers la moitié du XX siècle.

 

Grèce

Les grecs firent des jeux une véritable institution. en dehors des épreuves qui feront la gloire d’Olympie bien d’autres disciplines vont être à l’honneur. Billes, quilles, mais également disques, palets et même sphéristiques viennent ainsi enrichir notre passé « boulistique ».

 

Les plus illustres médecins grecs : Hippocrate, Galien et plus tard Oribase vont dans leurs traités vanter le caractère salutaire de ces exercices. Douze siècles avant notre ère, Homère nous décrit de façon pittoresque ces jeux hautement prisés par nos ancêtres helléniques.

 

Outre le célèbre “Discobole”, le jeu de palet eut également la faveur de ces peuples plus ou moins sensibilisés au contexte guerrier. C’est ainsi que dans l’Iliade les compagnons d’Ajax lancent le fer lors des jeux funèbres célébrés en l’honneur de Patrocle. Le jeu de bille était très populaire et est décrit sous des formes diverses. La similitude est frappante avec les formes pratiquées dans nos propres cours d’écoles. Le jeu représenté sur cette oenochoe attique (pichet à vin) est appelé “enkotylé”. Il s’agit de renverser à l’aide d’un galet, d’un palet ou d’une boule, une pierre dressée appelée “dioros” (ce qui en grec signifie limite). Les participants fixent une distance et lorsque l’un des joueurs n’arrive pas réussir son coup en un certain nombre d’essais établis à l’avance, il se voit infligé un gage. Il doit alors prendre son adversaire sur ses épaules et tandis que ce dernier lui masque les yeux avec ses mains, le porter jusqu’à la pierre maladroitement manquée. Cette coutume se nomme “éphedrismos” ou “jeu du porteur”.

 

 Surprenante statuette grecque datant du V siècle avant J-C et trouvée à Ligurio en Argolide. Ce bronze nous montre un joueur de “sphéristique” tenant une balle ou boule dans sa main gauche.

 

Son attitude est similaire à celle que prend un tireur actuel lorsqu’il se place dans le fond.

 

Rome

Les romains héritent des jeux grecs. Passant de longs moments aux thermes, ils y pratiquaient de nombreux exercices. La “sphaera” se jouait dans les gymnases et consistait à lancer des balles de cuir et de son. Les auteurs ajoutent même que ce jeu pouvait se faire soit en restant sur place soit en courant (pétanqueurs et longuistes y trouveront là de bien étranges similitudes!). Au jeu de billes des règles précises sont éditées: jeu du delta, jeu du triangle ou dispersion, jeu du plan incliné (ou tapette). Les romains nommaient la boule “bulla”. Elle fut d’abord en pierre puis rapidement en bois. C’est d’ailleurs le nom buxus (buis), matière dans laquelle elle était fabriquée qui, étymologiquement, va donner les termes “bocce” et “bocco” que l’on retrouve respectivement dans la langue italienne et le parler provençal.

 

Bas-relief trouvé sur une face de sarcophage romain appartenant à la collection Campana. Billes ? Balles ? Boules ? Il est assez difficile de préciser le jeu représenté. On opterait volontiers pour les jeux du plan incliné et du delta qui sont des jeux de billes; mais la grosseur des sphères et les détails des gestes nous montrant les différentes phases du lancer sont de toute évidence, plus proches de nos jeux de boules.

 

On remarquera que le lancer s’effectue sous main et relève donc d’une technique qui nous est familière.

 

La Gaule et le Moyen-âge

Nos ancêtres gaulois assimilèrent sans se faire prier le patrimoine  romain. Ainsi, vit-on “caroler” un peu partout des sphères tournoyantes dont le diamètre et le poids étaient bien supérieurs à nos boules actuelles. Les invasions barbares mirent quelques temps en sommeil les occupations ludiques. Du moins officiellement. Les activités boulistes n’en seront pas pour autant oubliées ; nos malheureux bouleurs attendent simplement la venue de temps plus propices. La privation aiguisant l’envie, sevrés par plusieurs siècles d’inactivité, ils vont dès le XI siècle, mettre les bouchées doubles. Si les chevaliers ne songent qu’aux tournois, les classes paysannes de la société féodale se prennent alors d’une véritable frénésie bouliste. Le terme “boule” qui pour plus de compréhension a été employé dans cet historique, va en réalité faire son apparition au XIII siècle.

Parmi les jeux alors en vigueur :

○ ludo talorum boulete : jeu de palet ou jeu du carreau.

○ le jeu de quilles sous des formes très diversifiées répondant à des critères régionaux, voire locaux

○ les jeux de boules : “la boule en bois” et “la boule de fort” semblent être les variantes les plus anciennes.

 

Le XIV siècle sera celui des interdits. Les jeux connaissent une telle ampleur que ce côté excessif ne sera pas sans poser quelques problèmes. Certains sujets s’écartent de leurs devoirs, mais ce qui est plus grave encore aux yeux des souverains, c’est que cette pratique abusive a des effets désastreux sur les compagnies d’archers et d’arbaletriers. Les nécessités d’une société féodale aux frontières indécises va donc pousser nos rois de France à promulger périodiquement des interdits que reprendront sénéchaux et baillis. Les ecclésiastiques lors des synodes prendront des mesures analogues. Bien entendu, ces ordonnances sont très impopulaires et soulèvent des tollés d’indignation. Les jeux seront alors tolérés, mais règlementés.

 

Une boulomanie galopante va alors gagner tout le royaume et nos voisins ne manquent pas alors d’attraper le virus. Le jeu de boules sur gazon se développe alors en Angleterre.

 

La renaissance.

Technicité, maîtrise, adresse constituent les nouveaux critères. Nos disciplines, il va sans dire, vont faire l’objet d’un essor considérable. Les boules vont bénéficier de ce courant et, définitivement réhabilitées, vont connaître un engouement général.

 

Boules des filandres, boules bretonnes, boules vendéennes, boules angevines, boules normandes, boules rhodaniennes ou boules provençales, des variantes répondant à des critères régionaux certes, mais un même état d’esprit et des principes, somme toute, analogues.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rabelais, au XVIème siècle, en dresse une liste assez complète dans Gargantua parlant de courtes boules, de longues boules, de boules plates et de butavans. Le jeu de mail et des quilles sont aussi très prisés. Versailles n’échappera pas à cette fureur: Louis XIV et Louis XV furent en leur temps d’occasionnels adeptes.

 

L’aristocratie se rangeant aux goûts de la paysannerie, voilà bien un tour de force que seules nos disciplines pacifiques étaient en mesure de réussir.

 

Le Royaume d’Angleterre, le Royaume d’Espagne et le saint Empire Germanique ne résistèrent pas à cette contagion. Le jeu de boules fera désormais parties des divertissements habituels.

 

Les Temps Modernes

On jouait aux boules sous la révolution, on continuera à jouer aux boules sous l’empire. Les fidèles grognards ne manqueront pas de se livrer à cette dévorante passion. Les modes de jeux sont encore imprécis. Au XIXème siècle, les jeux de boules, atteindront une popularité exceptionnelle et de très nombreux écrits viendront en témoigner. Dans la seconde moitié de ce siècle, les formes régionales vont peu à peu s’organiser. C’est ainsi que le jeu national prend forme dans la région lyonnaise, tandis que le midi préfère le jeu libre plus adapté à une conception moins rigoriste. Ce n’est qu’à la fin de ce XIXème siècle et durant la première moitié du XXème siècle que des règles déterminées seront éditées. Des fédérations vont se créer et des compétitions vont s’organiser.

 

La pétanque, quant à elle va naître en 1910 à la Ciotat, mais cela, c’est une autre histoire...

 

Histoire de la Pétanque    La Ciotat, juin 1910

 

Au cercle Béraud, comme tous les après-midi, les joueurs de boules se sont réunis sous les platanes. Boules cloutées en main, ils jouent au jeu libre (l’actuel provençal), entourés d’une galerie de spectateurs qui suivent leurs ébats avec fort intérêt et moultes commentaires. Au premier rang, assis sur des chaises louées à Ernest Pitiot, le gérant des lieux, les”papys” critiquent et conseillent. Malheureusement, n’ayant plus l’agilité de leurs jeunes printemps, ils réagissent à retardement et trop souvent, au gré au joueurs, arrêtent les boules, ce qui ne manque pas de créer un climat conflictuel, voire même quelques échanges aigres-doux décuplés, il est vrai, par l’impact imagé de la langue provençale.

 

Las de ces “escagasseries”, Ernest Pitiot, décide donc un jour de supprimer les chaises, à l’exception d’une seule, r��servée à son ami Jules Lenoir, perclu de rhumatismes et pour lequel la station debout est des plus pénibles. Ancien bon joueur, Jules Lenoir, suit donc les parties en restant derrière le rond de telle sorte qu’il ne risque pas de gêner. Néanmoins, bien triste de ne pouvoir lui aussi se fendre pour pointer et s’élancer pour tirer, il ne manque pas, lorsque les joueurs posent leurs boules près du rond, d’en ramasser une, de la caresser et même de la jeter en direction d’une autre.

 

Ernest Pitiot, a bien entendu, remarqué son manège et, un jour, lui propose la chose suivante: “puisque tu ne peux te déplacer, nous allons faire une partie en restant les pieds tanqués* dans le rond, et nous nous bornerons à jouer à une courte distance”. Cette idée illumina le visage de Jules Lenoir.

 

C’est ainsi que nos deux compères créèrent cette chère “pétanque”. Bientôt, d’autres les imitèrent. Malgré la résistance des “traditionnalistes”, le jeu conquit la Provence. Plus tard Ernest Pitiot fonda la ligue de Languedoc-Roussillon et en 1945 naquit la Fédération Française. Pierre, bronze et bois composèrent les engins plus ou moins arrondis (sphéroïdes) qui procurèrent le plaisir aux hommes de la préhistoire au moyen-âge.

 

Puis, le bois devint la matière traditionnelle jusque dans la seconde moitié du 19e siècle. Les tourneurs fabriquaient alors les boules indifféremment pour les 3 jeux : quilles, mail et boules. On s’aperçut alors à l’usage que le bois n’était pas aussi solide qu’on le pensait et ces boules s’abîmaient et se déformaient considérablement au contact des sols raboteux. On songera donc à un moyen de les renforcer à l’aide d’une véritable carapace.

C’est alors qu’apparurent les boules cloutées. Les boules sont généralement en buis et les ferreurs réalisent un véritable travail d’artiste. Des arabesques, des chiffres ou des initiales en bronze et en laiton servent à la décorer ou à les identifier. Un bon ouvrier (ou ouvrière) ne ferrait alors pas plus de 4 ou 5 paires par jour. Selon les régions, on ferrait “carré” (Lyon), “bombé” (Grenoble), ou en “écaillée” (écaille (Aiguines).

 

 

Boules cloutées

 Aiguines, petit village du Haut-Var, situé à l’entrée des gorges du Verdon et surplombant le lac de Sainte Croix est un parfait exemple de l’activité de tounerie dont les origines semblent remonter au XVI siècle. La fabrication des boules en bois cloutées va pour sa part connaître son apogée dans les deux dernières décennies du XIVe siècle et dans les trois premières du XXe siècle.

 

Cet artisanat répond à plusieurs facteurs :

·       une végétation forestière favorable, des conditions d’exploitation libres et un contexte agro-pastoral nécessitant l’apport de petits revenus additionnels.

·       La matière première est le buis, lequel développe une racine en forme de grosse boule. Les fibres noueuses assurent une grande résistance.

 

Trois étapes seront nécessaires :

·        La coupe du bois

·        Le tournage

·        Le cloutage

 

La coupe :

Muni de sa musette et d’un bâton en guise de canne, le coupeur se met en marche tôt le matin bien avant le lever du jour. Il emmène avec lui: une scie pour couper les troncs, une houe, une serpe ou une petite hache destinée à l’élagage et une corde solide pour attacher le fagot. Le retour était souvent pénible car les escarpements étaient durs à franchir et le fagot variait entre 40 et 50 kg.

 

Le tournage :

Les ateliers de tournerie étaient équipés soit de tours à pédale et à flèche, soit de tour à volant. Scies à ruban et outillage à main complétaient le matériel. La boule équarrie était alors tournée. On obtenait ainsi une boule brute appelée “boule blanche”.

 

Le ferrage :

Cette spécialité était l’apanage des femmes. Assises devant le billot, elles ferraient en suivant un canevas. Rythme continu, rapidité de cadence, gestes inlassablement répétés, régularité de cloutage, faisant de cet artisanat une tâche pénible et fatigante. Marteaux, arrache-clous et poinçons voltageaient dans les mains et inondaient le village d’un martèlement sonore. Une bonne “ferreuse” arrivait à clouter 5 paires de boules dans la journée.

 

Différents types de cloutage

Deux grandes catégories :

·        soit des boules “ordinaires” généralement vendues par douzaine

·        soit des boules “fines” pour amateurs avertis, personnalisées par des marques distinctives dues à l’incorporation de clous de cuivre et de laiton.

 

Le cloutage se faisant :

·        soit en écaille en utilisant des clous en fer, recuits, plus ou moins fins. La pose décrit une spirale serrée, chaque nouveau clou recouvrant en partie le clou précédent.

·        soit par cloutage juxtaposé, utilisant des clous à tête pleines : bourriquets, clous à tête tronconiques ou clous semi-sphériques (potirons). Le jeu provençal, puis la pétanque utilisaient essentiellement le cloutage en écaille tandis que la boule lyonnaise utilisait le cloutage juxtaposé.

·        Se servant de la technique de base des boulets à charge creuse en 1923 Vincent Mille et Paul Courtieu inventèrent la boule en bronze. C’est la naissance de “l’intégrale” réalisée en fonderie. La fabrication n’est plus artisanale mais industrielle. Quelques années plus tard naissait à son tour la boule acier.

·        Jean Blanc déposant le 1er brevet en 1928, fabriquée selon le principe du forgeage (2 coquilles embouties et soudées). Les techniques n’on cessé de progresser et les boules sont aujourd’hui le fruit d’une très haute technicité.

 

 Le But ( Cochonnet)

Ce terme apparaît en 1245 et vient de l’ancien mot scandinave “butr” qui signifie: petit morceau de souche. Cette étymologie se retrouve dans l’expression : de but en blanc.

 

En effet, archers et arbaliers se plaçaient en général sur une souche d’arbre et tentaient de décrocher leur flèches dans le “blanc” qui étaient la partie centrale de la cible. But est le terme officiel qui apparaît dans le règlement fédéral.

 

Mais cet objet si convoité répond à de nombreuses autres appellations : cochon, cochonnet, petit, pitchoune, lé, gamin, gari, maître, gône, biberon, têton, bouchon, lucre, juge, ministre, gendarme... Le but de pétanque est en bois (buis ou hêtre) et son diamètre varie entre 25 et 35 mm.

 

Ils sont soit simplement polis, soit vernis, soit encore colorés. Cette fabrication artisanale se fait dans le Jura où sont installés les Etablissements Monneret.

 

La Fanny, déesse des boules

L’histoire du plus vieux jeu du monde ne serait rien sans la Fanny.

 

Sur un jeu de boules, si vous perdez par un cuisant 13 à 0, vous l’embrasserez. Embrasser la Fanny aujourd’hui n’a rien de déshonorant, elle appartient au patrimoine culturel. 

 

Ne vous y fiez pas !

 

Embrasser Fanny ou baiser Fanny n'est pas une récompense (enfin, ça dépend toujours de la Fanny !). Cela veut dire perdre une partie sans avoir marqué un seul point!

 

Cette tradition serait originaire... de Savoie !

La Fanny originelle aurait été serveuse au café de Grand-Lemps, juste avant la Première Guerre Mondiale. La légende dit que, par gentillesse, elle se laissait embrasser par les clients qui venaient de perdre aux boules sans marquer le moindre petit point. La bise se faisait alors sur la joue. Jusqu'au jour où, toujours selon la légende, le maire du village perdit à son tour et vint quémander sa " récompense ". Fanny avait-elle un grief contre lui et voulut-elle l'humilier en public? Nul ne le sait. Ce qui est sûr, c'est qu'elle grimpa sur une chaise, releva ses jupes et lui tendit... ses fesses! Le maire ne se démonta pas. Moins d'une seconde plus tard, deux baisers retentissants résonnaient dans le café. C'était le début d'une longue tradition...